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Oujda…le Chibani…et Moi
Oujda
Je n’aime pas cette ville, je ne l’ai jamais aimé .je ne l’aimerai jamais. D’un seul coup et sans pitié, elle m’enlève tout, je la quitte définitivement.
Je n’aime pas sa junte masculine, sa junte féminine non plus d’ailleurs.
J’y viens par devoir, à peine arrivée et voilà cette envie me prend de repartir.Le devoir, c’est ma visite au Chibani.
Le chibani c’est mon père, qui après avoir sillonné toutes les régions du monde, s’est installé ici dans la ville de ses ancêtres Oujda, C’est un berkani, un béni snassni, hadj Arab Ahmed Bensaid.
Papa est avancé en âge.
Le Chibani
Ce vieillard me reçoit avec chaleur. Mon père a plus de 90 ans et il va me séquestrer durant tout mon séjour. Même ses devoirs religieux, il les fera assis et à mes côtés. Mon père vit ses moments de paix. Il est maintenant pensant. Il fouille dans son passé. Il me dit calmement :
« Je ne fais plus de rêves ma fille…
« Je suis grand-père mais pas encore arrière grand –père, je le sais…
« Sommes –nous toujours placés enfin du peleton, raconte…
Le chibani veut tout savoir. D’ailleurs, qui va le mieux renseigner que moi-même. Les événements, il veut les connaitre, en détail. Mon printemps arabe raconté au chibani, il le suit avec intérêt.
La pluie torrentielle le fait taire. Il commence à évoquer Dieu et ses prouesses. Les taches matinales de sa compagne me détournèrent un moment de lui. Les arômes de ce couscous préparé pour le déjeuner aussi d’ailleurs.
Par la porte du patio entrebailli, on pouvait voir tomber la pluie sur les gigantesques branches de ce légendaire citronnier et dont la floraison a donné de superbes citrons. Tout à l’heure mon père ira, comme à l’accoutumée, en cueillir le fruit de cet arbre familier et me le remettre. Un rituel simple mais très beau. Papa tient à le faire.
Papa est entrain de se faire préparer son thé. Ce thé sera accompagné par de l’huile d’olive, par du pain fait maison, des dattes et quelques friandises préparées spécialement pour moi.
Le chibani est impeccable dans ses vêtements, il est bien habillé, bien rasé et sent son parfum habituel.
Moi
On dirait que le temps s’est arrêté dans cette maison. Rien n’a changé. Cette maison ne ressemble à rien.
Ce n’est pas le lieu ou je suis née ni où j’ai passé mon enfance mais c’est l’endroit où j’ai passé mon adolescence. Cependant chaque coin a une histoire. Aucune nostalgie ne me prend. Je ne ressens rien,aucune pensée ne me traverse sauf cette merveilleuse chose.
Élevées dans une fratrie ou il y avait beaucoup plus de garçons que de filles, mes sœurs et moi, nous étions adorées par notre père, idolées même. Mon père nous a transmit son caractère fort et courageux.Notre fierté et notre orgueil nous l'avons hérité de lui.Mon père n'avait pas une grande instruction.Il savait lire, écrire et compter.Pour remédier à cet handicap, il s'est totalement investit dans notre instruction. et nous les filles on l'avait bien satisfaites et il était très fier de nous devant toute sa petite bourgade.
J’ai froid au cœur.Plus tard j’irai chercher la chaleur ailleurs.
Il fallait aller les chercher au grenier, où sont entassées toutes nos vieilles choses. Il fallait les dépoussiérer et les essuyer. Trois cahiers dont je suis l’unique maîtresse, sont une fois de plus entre mes mains. Ce sont mes cahiers intimes ou mon journal intime. C’est le semblable de ce qu’on appelle maintenant le Blog. Je suis émue
Le gros coquillage, qui date d’une époque lointaine et qui vient d’une mer lointaine est toujours là. Placé sur une commode aussi vieille que lui. Il m’observe, il suit mes gestes.
Incroyable ! Mes trois cahiers sont intactes, un peu jaunis mais l’écriture est toujours lisible. Je les regarde, je les contemple.
Je m’installe à ma façon et commence à lire …mais voilà que je suis rappelée à l’ordre. Papa me réclame.
Écrit et publié à Oujda la 20 mai 2011
- le chibani: le vieux