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lundi 23 mai 2011

Chroniques d'une Oujdiya ratée- 3 et Fin.



Le carton

C’est le troisième verre de thé chaud et parfumé aux herbes orientales que je sirote en compagnie du Chibani, mon vieillard de père.

Papa s’est réveillé de mauvaise humeur et je sais pourquoi. Je sais que c’est toujours dur de se quitter. Quitter ce qu’on aime est affreux et j’en sais quelque chose. Je suis triste moi aussi. Ce soir je prendrai le train pour rentrer chez moi.

Au fond de la cuisine, la compagne de mon père est entrain de faire cuire le pain. Il sent fort et très bon, je recevrai le premier morceau une fois cuit que je mangerai encore brulant.

Le Chibani a les yeux fixé sur le carton.
« Papa ! ». Aucune réponse.
Le voilà qui se lève et se dirige vers le patio andalou. Il commence ses va et vient en petits pas, s’appuyant sur sa canne. On dirait un enfant qui apprend à faire ses premiers pas.
Je tente ma chance une deuxième fois auprès de lui. Silence.
Il a du chagrin, je le sais, je le sens… je suis angoissée.

D’un geste sec, je me lève et sans plus tarder, je saisi le carton, le fait disparaitre. Ce carton que j’ai rempli de mes vieux souvenirs dont mes trois cahiers et qui a rendu mon vieux père si triste.C carton,je le vois en feu.

C’est décidé je n’emporterai rien. Je vais laisser là mes vieux souvenirs dans la maison où j’ai grandi .Je prends même le soin de les remettre à leur place au grenier et dans ma tête je vois le vieux coquillage placé sur la vieille commode me narguer.

Le Chibani n’est plus triste. Une satisfaction immense illumine son visage .Je suis rassurée, je sens une chaleur qui m’envahit.
Désarmé, mon vieux papa sort son premier sourire du jour .On dirait le soleil qui brille et avec une voix douce il dit :
« Nous prendrons notre repas de midi sous le citronnier du patio ».

Sitôt dit, sitôt fait. Une superbe Maida est dressée sous les nombreuses branches de ce superbe arbre familier. Ce feuillage intense nous a apporté de l’ombre et de la fraicheur et nous a protégé de ce soleil brulant, de ce dimanche printanier sans voix.

L e soir de ce même jour, à neuf heures, je quitte ma ville natale, seule par une nuit magnifique au ciel étoilé.

A l’heure où je termine ces lignes dans mon single, wagon –lit, il est 11 heures du soir, et je pense qu’il est temps de prêter mes yeux aux aveugles ou encore le marchand de sable vient de passer par là.

Ecrit entre Oujda et Guercif la nuit du 22 mai et publié à Rabat le 23 du même mois.


samedi 21 mai 2011

Chroniques d'une oujdiya ratée -2-

Mes trois cahiers

Le soir tombe paisiblement sur ma ville natale, Oujda .Le noir commence à s'épaissir.Tout à l’heure, je suis montée sur la terrasse voir ces montagnes de toujours dressées majestueusement au loin. Les montagnes Rass Asfour.
 

L’orage annonce son arrivée. Le tonnerre gronde. Une lointaine lueur de l’éclair, me permet d’apercevoir le peu de crépuscule, rouge et rose entre deux montagnes.
 

Mon vieillard de père est confortablement assis dans son coin. Il s’apprête à dormir, les yeux mi-clos, la bouche entrouverte .Papa dort maintenant paisiblement. Je le regarde, je passerai ainsi le reste de ma vie à le contempler sans pouvoir se lasser. Sa compagne, saisit toute la tendresse et la bonté de mes yeux.
 

Mon moment de répits arrive, je m’éclipse doucement.Je monte retrouver mon paradis perdu. Retrouver mes trois cahiers.
Je me suis installée sur une banquette dans un coin qui regorge de souvenirs. Mes précieux cahiers sont tenus merveilleusement et tendrement dans mes mains. Et je lis,je lis tout.
 

Incroyable. Quelle imagination, quel rythme.Mais d’où me venait cette force. Au bout de quelques minutes, j’étais totalement plongée dans ce que je nommerai le témoignage-traces d’une époque bien lointaine et effacée.
J’ai quatorze ans .Je suis en pleine adolescence. Ce sont les années 1975.Dans un texte tiré au hasard, je parle de solidarité entre voisin, de feu, de fumée, de pompiers. Mes souvenirs vont vers la maison d’un voisin immigré en France.
 

Je feuillette les pages jaunies de mes cahiers. Dans un texte, je débute par : Il parait que les vautours sont de retours, ils sont nombreux à sillonner le village…Dans un autre texte. Je débute …depuis la nuit des temps la civilisation humaine…je trouve un recueil de poèmes par ci un essai par là. Un peu de gribouillage, des textes infinies, des pages complètement ôtées,...
 

Voilà le contenu des mes trois fameux cahiers. Je parle de mes joies, de mes peines, de mes craintes et angoisses. J’y parle d’incompréhension, de mépris, de doute, de souffrance...
Je parle aussi de l’amitié, la fidélité, de l’espoir et le désespoir.Il y a même mes jugements à l’égard de l’autre. Je dresse beaucoup de portraits et d’autoportraits dont beaucoup sont ceux des membres de ma propre famille.
 

Je suis frappée dans mes écrits par le peu de tendresse, de douceur et d’amour que chaque jeune fille de mon âge en aurait pu consacrer la moitié de ses écrits.
 

Entre temps, j’avance dans la nuit et dans mes textes. Le plaisir de se lire et de retrouver un peu de soi-même, se révèle que toutes mes pensées d’antan n’avaient rien d’ ORIGINAL. Un simple paquet de souvenirs. Et ce plaisir s’est tout de suite dissipé.
 

Hélas, rien de ce que je désirais trouver et lire n’apparaissait. Le désir de lire … "Rien qu’une ...maman"
Dehors la pluie a cessé, une brise fraîche a brisé le calme de notre patio andalou. Je ne pense plus à rien… Je ne tiens plus mes cahiers serrés entre mes bras. Je ferme les yeux. Une petite pensée très émue…

Ecrit et publié à Oujda le 21 mai 2011

vendredi 20 mai 2011

Chroniques d'une oujdiya ratée -1-

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Oujda…le Chibani…et Moi
Oujda
Je n’aime pas cette ville, je ne l’ai jamais aimé .je ne l’aimerai jamais. D’un seul coup et sans pitié, elle m’enlève tout, je la quitte définitivement.
Je n’aime pas sa junte masculine, sa junte féminine non plus d’ailleurs.
J’y viens par devoir, à peine arrivée et voilà cette envie me prend de repartir.Le devoir, c’est ma visite au Chibani.
Le chibani c’est mon père, qui après avoir sillonné toutes les régions du monde, s’est installé ici dans la ville de ses ancêtres Oujda, C’est un berkani, un béni snassni, hadj Arab Ahmed Bensaid.
Papa est avancé en âge.
Le Chibani
Ce vieillard me reçoit avec chaleur. Mon père a plus de 90 ans et il va me séquestrer durant tout mon séjour. Même ses devoirs religieux, il les fera assis et à mes côtés. Mon père vit ses moments de paix. Il est maintenant pensant. Il fouille dans son passé. Il me dit calmement :
« Je ne fais plus de rêves ma fille…
« Je suis grand-père mais pas encore arrière grand –père, je le sais…
« Sommes –nous toujours placés enfin du peleton, raconte…
Le chibani veut tout savoir. D’ailleurs, qui va le mieux renseigner que moi-même. Les événements, il veut les connaitre, en détail. Mon printemps arabe raconté au chibani, il le suit avec intérêt.
La pluie torrentielle le fait taire. Il commence à évoquer Dieu et ses prouesses. Les taches matinales de sa compagne me détournèrent un moment de lui. Les arômes de ce couscous préparé pour le déjeuner aussi d’ailleurs.
Par la porte du patio entrebailli, on pouvait voir tomber la pluie sur les gigantesques branches de ce légendaire citronnier et dont la floraison a donné de superbes citrons. Tout à l’heure mon père ira, comme à l’accoutumée, en cueillir le fruit de cet arbre familier et me le remettre. Un rituel simple mais très beau. Papa tient à le faire.
Papa est entrain de se faire préparer son thé. Ce thé sera accompagné par de l’huile d’olive, par du pain fait maison, des dattes et quelques friandises préparées spécialement pour moi.
Le chibani est impeccable dans ses vêtements, il est bien habillé, bien rasé et sent son parfum habituel.
« Tout a une fin ma fille… marmotte mon vieux papa. Une tristesse m’envahit.
Moi
On dirait que le temps s’est arrêté dans cette maison. Rien n’a changé. Cette maison ne ressemble à rien.
Ce n’est pas le lieu ou je suis née ni où j’ai passé mon enfance mais c’est l’endroit où j’ai passé mon adolescence. Cependant chaque coin a une histoire. Aucune nostalgie ne me prend. Je ne ressens rien,aucune pensée ne me traverse sauf cette merveilleuse chose.
Élevées dans une fratrie ou il y avait beaucoup plus de garçons que de filles, mes sœurs et moi, nous étions adorées par notre père, idolées même. Mon père nous a transmit son caractère fort et courageux.Notre fierté et notre orgueil nous l'avons hérité de lui.Mon père n'avait pas une grande instruction.Il savait lire, écrire et compter.Pour remédier à cet handicap, il s'est totalement investit dans notre instruction. et nous les filles on l'avait bien satisfaites et il était très fier de nous devant toute sa petite bourgade.
J’ai froid au cœur.Plus tard j’irai chercher la chaleur ailleurs.
Il fallait aller les chercher au grenier, où sont entassées toutes nos vieilles choses. Il fallait les dépoussiérer et les essuyer. Trois cahiers dont je suis l’unique maîtresse, sont une fois de plus entre mes mains. Ce sont mes cahiers intimes ou mon journal intime. C’est le semblable de ce qu’on appelle maintenant le Blog. Je suis émue
Le gros coquillage, qui date d’une époque lointaine et qui vient d’une mer lointaine est toujours là. Placé sur une commode aussi vieille que lui. Il m’observe, il suit mes gestes.
Incroyable ! Mes trois cahiers sont intactes, un peu jaunis mais l’écriture est toujours lisible. Je les regarde, je les contemple.
Je m’installe à ma façon et commence à lire …mais voilà que je suis rappelée à l’ordre. Papa me réclame.
Écrit et publié à Oujda la 20 mai 2011
  • le chibani: le vieux
Lire aussi: chroniques d'une Oujdiya ratée 2 et 3.