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samedi 21 mai 2011

Chroniques d'une oujdiya ratée -2-

Mes trois cahiers

Le soir tombe paisiblement sur ma ville natale, Oujda .Le noir commence à s'épaissir.Tout à l’heure, je suis montée sur la terrasse voir ces montagnes de toujours dressées majestueusement au loin. Les montagnes Rass Asfour.
 

L’orage annonce son arrivée. Le tonnerre gronde. Une lointaine lueur de l’éclair, me permet d’apercevoir le peu de crépuscule, rouge et rose entre deux montagnes.
 

Mon vieillard de père est confortablement assis dans son coin. Il s’apprête à dormir, les yeux mi-clos, la bouche entrouverte .Papa dort maintenant paisiblement. Je le regarde, je passerai ainsi le reste de ma vie à le contempler sans pouvoir se lasser. Sa compagne, saisit toute la tendresse et la bonté de mes yeux.
 

Mon moment de répits arrive, je m’éclipse doucement.Je monte retrouver mon paradis perdu. Retrouver mes trois cahiers.
Je me suis installée sur une banquette dans un coin qui regorge de souvenirs. Mes précieux cahiers sont tenus merveilleusement et tendrement dans mes mains. Et je lis,je lis tout.
 

Incroyable. Quelle imagination, quel rythme.Mais d’où me venait cette force. Au bout de quelques minutes, j’étais totalement plongée dans ce que je nommerai le témoignage-traces d’une époque bien lointaine et effacée.
J’ai quatorze ans .Je suis en pleine adolescence. Ce sont les années 1975.Dans un texte tiré au hasard, je parle de solidarité entre voisin, de feu, de fumée, de pompiers. Mes souvenirs vont vers la maison d’un voisin immigré en France.
 

Je feuillette les pages jaunies de mes cahiers. Dans un texte, je débute par : Il parait que les vautours sont de retours, ils sont nombreux à sillonner le village…Dans un autre texte. Je débute …depuis la nuit des temps la civilisation humaine…je trouve un recueil de poèmes par ci un essai par là. Un peu de gribouillage, des textes infinies, des pages complètement ôtées,...
 

Voilà le contenu des mes trois fameux cahiers. Je parle de mes joies, de mes peines, de mes craintes et angoisses. J’y parle d’incompréhension, de mépris, de doute, de souffrance...
Je parle aussi de l’amitié, la fidélité, de l’espoir et le désespoir.Il y a même mes jugements à l’égard de l’autre. Je dresse beaucoup de portraits et d’autoportraits dont beaucoup sont ceux des membres de ma propre famille.
 

Je suis frappée dans mes écrits par le peu de tendresse, de douceur et d’amour que chaque jeune fille de mon âge en aurait pu consacrer la moitié de ses écrits.
 

Entre temps, j’avance dans la nuit et dans mes textes. Le plaisir de se lire et de retrouver un peu de soi-même, se révèle que toutes mes pensées d’antan n’avaient rien d’ ORIGINAL. Un simple paquet de souvenirs. Et ce plaisir s’est tout de suite dissipé.
 

Hélas, rien de ce que je désirais trouver et lire n’apparaissait. Le désir de lire … "Rien qu’une ...maman"
Dehors la pluie a cessé, une brise fraîche a brisé le calme de notre patio andalou. Je ne pense plus à rien… Je ne tiens plus mes cahiers serrés entre mes bras. Je ferme les yeux. Une petite pensée très émue…

Ecrit et publié à Oujda le 21 mai 2011