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mercredi 5 novembre 2014

Maroc: mariages des mineures

http://www.awid.org/fre/Actualites-et-Analyses/Enjeux-et-Analyses/Mariage-des-mineures-ou-unions-funebres


Mariages des mineures ou Unions funèbres

  Au Maroc,dix années après l'adoption de la Moudouana, le code de la famille, le mariage des mineures pose toujours problème.Selon les dernières  statistiques du ministère de la Justice,le nombre de filles mariées avant 18 ans est passé de 18 341 cas en 2004 à 35 152 en 2013 soit 12% de l’ensemble des mariages. Ces chiffres font froid au dos car ce genre de mariage ne marque pas seulement un arrêt significatif au développement de la fille, il met aussi en péril sa santé. Les conséquences sont donc là : souffrances physiques et psychologiques, grossesses précoces, avortement à risque entre autres.
" Je n'ai pas de filles à marier" répond violemment Yamina à tous les prétendants venus demander la main de sa fille de 14 ans en mariage." Jamais ,le drame de ma fille Sabah ne se reproduira, tant que je vivrai "enchaine-t-elle, souvent en claquant très fort le portail de sa maison en guise de refus.
Tout comme les quelques 35152  mineures mariées ,recensées  en 2013, Sabah est une victime de ces unions précoces au Maroc. Ainsi,dix années après l'application de la Moudouana, le Code de la famille ,n’a donc pas permis de réduire le mariage des mineures.
Statistiques officielles toujours à l'appui,le taux de mariages des mineures mariées est passé de 7,8 % en 2004 à 11,5 % en 2013, notant que l'année 2011 a connu la plus grande proportion de ce type de mariage avec un taux de 12 % du total des actes de mariages conclus au cours de cette année.Une hausse très significative.
Photo©Khira
Et c'est justement en 2011 que Sabah,une adolescente de 15 ans ,mariée de force à un homme de 38 ans est morte en couche une année après son union.Un drame dans la vie de Yamina,sa maman" Sabah m'a raconté qu'elle était terrorisée la nuit de ses noces.Avant,elle n'avait jamais entendu parler de sexualité,malheureusement ,elle est tombé enceinte cette nuit même.De sa nuit de noce,ma fille en est sortie traumatisée."nous confie-t-elle ,les yeux embués.  Et de rajouter amèrement "C'est son père qui a décidé son mariage ,avec le fils d'un de ses amis.Sabah a été obligée de quitter l'école. Elle travaillait pourtant bien et avait souvent de bonnes notes,sa maitresse est venue à plusieurs reprises à la maison supplier son père de revenir sur sa décision...mais lui, il n'a rien voulu entendre,prétendant que la place de la fille était dans son foyer" et de rajouter "  je comptais énormément sur le refus du juge à accorder cette union,vu l'âge de ma fille,mais vous savez comment se font les choses ici dans notre société...mon coeur est brisé,Sabah voulait devenir avocate pour défendre les femmes maltraitées."

Ces chiffres qui parlent !

L'histoire de Sabah, n'est bien entendu pas un cas isolé. Elles sont nombreuses aujourd’hui les Sabah à travers tout le pays soumises à cette néfaste pratique.Elles sont mariées,de force avec quelqu’un qui a l’âge de leur père ou même plus âgé que leur père. Elles souffrent en silence, car elles n’osent pas manifester leur opposition à l’autorité parentale et souvent,elles cèdent à la pression de la famille.
Les mariages précoces demeurent une bien triste réalité dans plusieurs régions les plus pauvres du Maroc "Mentalité conservatrice et manque de volonté politique freinent les réformes du code de la famille et entravent l’application de la loi. Même si le rôle des hommes et des femmes est en train de changer, des problèmes restent profondément ancrés dans la culture à cause de la mentalité des gens,"martèlent les protecteurs et défenseurs des droits de la femme et des enfants.
Toujours selon le ministère de la Justice, le nombre des naissances chez les filles âgées de 15 à 19 ans est estimé à 50.000 cas, soit 7% du total des naissances.
Une des conséquences aussi graves de ces unions précoces,chaque année,des centaines d'adolescentes meurent de complications liées à la grossesse et à l accouchement "Les complications de la grossesse et de l'accouchement demeurent la principale cause de décès  parmi les adolescentes âgées de 15 à 19 ans dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ",note le rapport sur les OMD de 2012.
Les cas de mortinatalité et de décès sont une fois et demie plus nombreux pour les bébés de mères âgées de moins de 20 ans que pour ceux dont les mères ont de 20 à 30ans poursuit la même note. Au Maroc, en 2012 seulement, 49.696 filles marocaines âgées de 15 à 19 ans ont donné naissance à un enfant ,courant le risque de décès et de morbidité maternelle.
Comment peut-on rester insensible à ce drame familial,d'autant plus,que la jeune Sabah n'est qu'une de mes cousines éloignées,aussi éloigné que son village,et dont l'histoire m'attriste profondément et sincèrement. Il était temps pour moi d'Agir.

Dis-moi,la SSR,ça veut dire quoi?

Ayant suivi plusieurs formations en matière de santé sexuelle et reproductive SSR,organisées par le FNUAP ( Fonds des Nations-Unies pour la Population ) collaboration avec l'AMPF ( l'Association Marocaine de la Planification Familiale ) à l'intention des journalistes,tout genre confondu,je me suis fixée un objectif : aller à la rencontre de ces jeunes garçons et jeunes filles du village de Sabah,ce petit bout de campagne à quelques kilomètres de la ville d'Oujda. Ma mission,les informer et les sensibiliser sur leurs droits fondamentaux à la santé,à l'éducation et à la sécurité sociale afin de mieux se protéger et protéger les générations futures.
Ne dit on pas que lorsque des jeunes sont formés à leurs droits, lorsqu'ils sont autonomisés ,ils sont capables de changer le monde. Pour réussir à bien cette mission , je me suis munie de tous les outils pédagogiques et des documents de référence mis à ma dispositions lors de cette formation.
Lorsque j'ai demandé à rencontrer quelques jeunes ados de ma famille ,je ne m'attendais à voir une trentaine de jeunes filles et garçons .Ils ont entre 15 et 18 ans, ne sont plus des enfants,quelques années encore et les voila dans une étape vers le monde adulte. Je prends à part mes jeunes, je les félicite pour leur connaissance par coeur des OMD mais je reste frustrée par leur ignorance totale de leurs droits en matière de SSR, leur manque d'information et d'accès au services de la santé reproductive adaptés à leur besoin." Nous parlons entre nous de ces choses là, mais à vrai dire,nous n'avons pas une grande connaissance sur la sexualité,sinon c'est du bricolage ou bien on se rabat sur internet. Avec les adultes ,c'est impossible d'évoquer ce sujet, encore moins avec nos parents,il n'y a aucune communication avec eux"me confie Yahya,qui porte le prénom du saint patron de la ville d'Oujda, Sidi Yahya.
Cependant l'heure n'est pas au découragement. Quelques minutes à peine se sont  écoulées et nous voila entrain de débattre, d'échanger des informations sur des infections sexuellement transmissibles et le VIH-Sida mais également sur la violence, l’usage des drogues, et les comportements à risque chez les jeunes etc.Ensemble ,mes ados et moi reformulons le plaidoyer en matière de SSR ainsi:
Les droits en matière de SSR sont des droits humains,qui font partie des droits humains universels . Ce sont des droits fondamentaux à promouvoir et à respecter. L'accès à l'information et aux services de santé sexuelle et reproductive adaptés à leurs âges et à leurs besoins .Promouvoir l'éducation complète à la sexualité en vue d'amener les jeunes à adopter des comportements positifs et fournir les informations et services de SSR ,notamment la contraception,la prévention et le traitement des ISt/SIDA pour les prémunir contre les risques.Le mariage des mineures est une violation des droits de la petite fille dans la mesure ou il perturbe son éducation et limite ses possibilités.Le mariage précoces met en danger la santé  de la jeune fille à des grossesses précoces et non désirées en augmentant le risque des infections sexuellement transmissibles et en l'exposant à la mortalité maternelle et infantile.Lutter contre la violence basée sur le genre à travers la prévention en luttant contre l'abondan scolaire et en impliquant les hommes et les garçons.
Visiblement, ils savent tout, maintenant sur la SSR, et surtout ils ont appris que la santé pour les jeunes n'est pas seulement un service,mais c'est un droit.

Le Y-PEER, mode Yamina

Point besoin de rappeler que l’éducation est un droit humain universel, qui permet d’inscrire le développement dans la durée, par la formation de citoyens engagés, l’autonomie des filles et des femmes, une meilleure santé, moins de mortalité maternelle et infantile, la réduction des mariages précoces.
Par ailleurs,un clignotant parmi tant d'autres à prendre au sérieux fut relevé par mes jeunes ados. Ces derniers réclament leur participation et leur implication à toutes  les activités les concernant. Ils évoquent avec un franc parler à l'oriental,la caravane des célébrités Y-PEER qui a sillonné plusieurs villes du Maroc allant à la rencontre de la jeunesse,mais qui les a oubliés,eux et bien d'autres jeunes de différents patelins.
Mes ados ont totalement raison de vouloir en profiter, comme les autres jeunes, de cette caravane des stars nationales et internationales,qui se sont investies ,tout à leur honneur d'ailleurs,à contribuer à promouvoir la santé, l'éducation, la promotion des droits et le potentiel des jeunes.
 En attendant Yamina, la mère de Sabah,a fait du mariage précoce,son cheval de bataille.Elle continue à sa manière,sa campagne de sensibilisation au mariage des mineures qui est une réelle menace pour la petite fille,en parlant autour d'elle et en refusant d'assister à toute fête de mariage où l'on uni une mineure.Elle ne cesse de matraquer les familles de sa communauté d'arrêter cette pratique néfaste et désastreuse à plus d'un titre,en évoquant le cas triste de sa fille Sabah." C'est difficile,et cela prendra encore du temps, vu la mentalité solide et difficile à changer mais mon combat pour que mes trois filles poursuivent leurs études est ma source d'espoir" m'assure Yamina,cette petite dame aux yeux marrons et aux traits tirés, accompagnant Saliha et Fadela à leur école située non loin du cimetière ou repose désormais Sabah ,sa fille aînée.
Aux dernières nouvelles,Yamina et plusieurs autres mamans du village, appuyées par les maitresses de l'école communale ont fondé une association qui va lutter pour le maintien des filles à l'école.

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