Le mariage des enfants connu au Maroc par le mariage des mineurs ou le mariage précoce est un sujet qui revient régulièrement dans l'actualité. Selon plusieurs organisations de la société civile réunies la semaine passée à Casablanca la fin du mariage des enfants doit devenir une réalité, pas seulement un engagement. Pour Nyaradzayi Gumbonzvanda du Zimbabwe, Ambassadrice de bonne volonté de l'Union africaine « Nous savons ce qu'il faut faire pour mettre fin aux mariages d’enfants. Nous avons les données, nous connaissons le problème et ses causes, nous savons où il faut intervenir. Il ne nous reste plus qu’à passer à l’acte. »
C'est à l'initiative de l'association Girls Not Bribes ( Filles, Pas Epouse ) qui a permis le rassemblement de plus de 250 activistes de terrain en provenance de 63 pays, œuvrant au plus près des victimes de mariages précoces, à Casablanca du 19 au 21 mai. Dans un appel commun, ils ont interpellé la communauté internationale à intensifier ses efforts pour mettre fin à une pratique qui affecte 15 millions de filles chaque année.
Si encore il y a quelques années le mariage des enfants était un sujet tabou, il en est autrement aujourd'hui. Grace aux bons vouloirs des gouvernements appuyés par les efforts acharnés de la société civile qui oeuvrent ensemble sans relâche pour l'abolition de ce phénomène social néfaste a plus d'un. La question fait désormais partie des mesures à prendre dans l'agenda International et régional. Pour Lakshmi Sundaram, Directrice exécutive de Girls Not Brides. « Nous avons avancé à grand pas dans la réduction du taux de mariages d’enfants à l’échelle mondiale, mais les progrès sont trop lents. “Si nous n’accélérons pas nos efforts, plus d’un milliard de filles seront mariées d’ici 2050. »
Effectivement les rapports provenant de plusieurs pays concernés, où cette pratique est la plus répandue sont catégoriques. Plus de 700 millions de femmes vivant aujourd'hui ont été mariées avant l’âge de 18 ans. Cela représente 10% de la population mondiale. Dans le monde en développement, une fille sur trois est mariée avant l'âge de 18 ans et cela la prive de ses droits à l'éducation, à la santé et à une vie sans violence. "Le mariage des enfants est un frein à l’épanouissement des filles, mais également celui de leur famille, de leur communauté et au développement de leur pays" a constaté l’ensemble des personnes venues plaider la cause des filles.
Un forum citoyen pour lutter contre le mariage précoce
"En tant que médecin, je constate chaque jour les effets dévastateurs des mariages précoces sur la santé mentale et physique des filles », a expliqué le Dr Ashok Dyalchand du « Institute for Health Management Pachod » ( l'Institut pour la gestion de santé, Pachod ), en Inde. « La plupart d’entre elles tombent enceintes alors qu’elles sont elles-mêmes encore enfant. Les filles qui accouchent avant l’âge de 15 ans sont cinq fois plus susceptibles de mourir en couche que les femmes d'une vingtaine d'années. »Priya Kath de l'Inde, représentant le « South Asia Regional Youth Network (SARYN) ( Réseau régional de la jeunesse en Asie du Sud) a déclaré que « Pendant trop longtemps, les filles ont été considérées comme un fardeau. Il est grand temps que nous reconnaissions leur droit de choisir si elles veulent se marier, quand et avec qui » « Nous devons garantir le soutien nécessaire à la réalisation de leurs aspirations. »
Au Maroc, pays organisateur de cette rencontre, depuis 2004, l'année de l’adoption de la Moudawana, le Code de la famille, bien que strictement réglementé, le mariage des mineures reste largement répandu dans quelques régions, surtout celles situées dans les fins fond du pays.
Najat Ikhich, Présidente de la Fondation YTTO a souligné « Chaque année, nous nous rendons dans les villages les plus reculés du Maroc pour sensibiliser les populations sur l'impact des mariages de mineures et apporter des soins de santé à des jeunes filles qui, bien souvent, sont déjà mères à moins de 15 ans. Les mariages de mineures sont encore beaucoup trop répandus au Maroc. Il s’agit la plupart du temps de mariages coutumiers qui ne sont pas enregistrés. Il y a aussi un vide juridique dans le Code de la Famille qui permet aux juges d’autoriser le mariage des mineures dans certaines circonstances. »
Il faut dire que cette fondation a fait du mariage des mineures son cheval de bataille. Souvent en déplacement à travers tout le pays, la Fondation YTTO organise des caravanes de médecins, d’avocats et de travailleurs sociaux.
« Dès que les femmes et les filles sont conscientes de leurs droits et des avantages de l’élimination de cette pratique, nous observons une chute spectaculaire des taux de mariage d’enfants. La solution passe aussi par une réelle volonté politique pour assurer la scolarisation des filles et la réintégration socio-économique des victimes de mariages précoces. » a ajouté sa présidente.
Moussa Sidikou de CONIDE qui représente le Niger, le pays qui a le plus fort taux de mariages d’enfants au monde (76%) « Nous devons aussi éduquer les hommes et les garçons» et de poursuivre « Comment pouvons-nous dire aux filles qu'elles sont libres de décider si et quand se marier si nous n’apprenons pas aux garçons qu’ils doivent respecter leur choix.C’est un travail de longue durée mais, dès que les hommes qui prennent des décisions dans la vie des filles comprennent les bienfaits de retarder le mariage, on verra des changements. »
Le Mariage des enfants, une cible des ODD
Il faut rappeler que au cours des derniers mois, le mariage des enfants a fait l'objet d'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, d’une campagne de l'Union africaine, d’un plan d'action régional des gouvernements d’Asie du Sud, et du tout premier « Sommet mondial de la fille » organisé à Londres.En outre, les Objectifs de Développement Durable, qui seront adoptés lors d’un sommet de l'ONU à New York en septembre et qui façonneront les priorités de développement international pour les quinze prochaines années, sont susceptibles d'inclure une cible sur le mariage des enfants.
La plupart des propositions émises lors de ce forum organisé pour les droits de la petite fille correspondent à des mesures déjà engagées par les gouvernements, dont voici quelques mesures spécifiques et immédiates applicables pour faire reculer les mariages d’enfants :
• Elaboration de plans d’action nationaux. En collaboration avec les organisations de la société civile et les partenaires de développement, les gouvernements devraient mettre en œuvre des plans d'action intégrés et dotés des ressources nécessaires.
• Investissement dans des programmes pour l’autonomisation des filles. Elaborer des programmes qui donnent aux filles les moyens de déterminer leur propre avenir.
• Mise en place de lois et de politiques qui fixent à 18 ans l'âge minimum du mariage, suppression des vides juridiques (souvent liés au consentement parental ou aux lois coutumières) et protection des droits des femmes et des filles.
• Services de santé, d'éducation, de justice et autres services qui offrent aux filles et à leur famille des alternatives au mariage des enfants.
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